D’emblée, plusieurs principes se sont imposés.
– L’ARN se limitera à représenter les choses de l’extérieur – les photographies, paysages et constructions, seront prises depuis l’espace public.
– Chaque objet devra être aussi isolé que possible, photographié dans son entièreté, sous son angle le plus descriptif. Seul un cliché sera conservé, qui sera en quelque sorte la définition photographique de la chose représentée.
– La représentation sera répartie également sur l’ensemble du territoire, le nombre de photographies étant proportionnel à la surface de l’aire concernée, indépendamment de toute autre considération.
– Dans le même souci d’égalité, chaque construction, quelle que soit sa nature, sa valeur ou sa réputation, fera l’objet du même traitement.
– L’utilisation des logiciels de post-production sera limitée aux corrections de parallaxe ainsi qu’à l’étalonnage des couleurs et des contrastes.
– L’ensemble de l’archive ainsi constituée sera consultable sur un site web et les images utilisables en “copyleft“.
– Ces quelques principes constituent un cadre général, de fait ils supporteront d’être transgressés.
Ayant fixé ces quelques règles, restait à mettre en place une méthode permettant d’aboutir un tel projet dans un temps raisonnable (10 années au plus) sachant qu’il faudrait s’y consacrer complètement. En outre, ce projet devrait s’accommoder des faibles moyens dont nous disposons.
La question la plus complexe, celle de l’unité territoriale la mieux adaptée à une exploration minutieuse d’un grand pays comme la France, n’a pas trouvé sa réponse immédiatement. La région ou le département s’avérant beaucoup trop vastes, c’est lors d’une résidence dans la Beauce, cette plaine céréalière qui s’étend entre Chartres et Orléans, que la mesure des régions naturelles (ou encore pays ou terroirs) qui, quoiqu’imparfaite, s’est imposée comme la plus adaptée. Définir ce qu’est une région naturelle n’est pas chose facile. Cette multitude de petites entités territoriales (la France en dénombre à peu près cinq cents) datant de l’Ancien régime résultent en effet de facteurs très divers, aussi bien géologiques que climatiques, culturels ou historiques, qui rendent leurs frontières incertaines (il faut préciser ici que l’ARN, entreprise fantaisiste à bien des égards, n’a pas pour ambition de cerner les limites exactes ou même la réalité de ces régions mais plutôt de les utiliser comme le support narratif d’un projet qui n’est en rien scientifique.) Il n’empêche qu’à l’usage, et même si elles relèvent souvent du folklore local ou de support de communication touristique, les régions naturelles possèdent quelque chose de bien vivace qui les rend chacune singulières et identifiables. Ainsi, la Beauce se distingue du Perche voisin et le Forez n’est pas le Beaujolais. Ainsi, la Thiérache surprend tandis que le Médoc est plus prévisible. L’Atlas des Régions Naturelles doit donc son nom à cette notion imprécise dont il faut désamorcer le caractère équivoque pour en garder la dimension fonctionnelle d’unité de mesure.
Au terme d’une première année consacrée à son élaboration, le modèle suivant s’est imposé : L’Atlas des Régions Naturelles, ce sont 50 photographies pour chacune des 500 régions naturelles, soit un total de 25 000 images une fois le projet achevé. Ces images sont classées en deux grands ensembles, géographique et typologique. Chaque image est ensuite taguée dans de nombreuses rubriques et sous-rubriques qui permettent, par sélections successives, d’isoler ou de grouper très rapidement les images recherchées. Le site devrait être en ligne dans le courant de l’année 2019.
En se fixant l’objectif ambitieux de réaliser 3000 photographies par an, l’ARN devrait être achevé en 2025.
Si ce n’est Street View, il n’existe pas de travaux photographiques couvrant de façon systématique l’ensemble du territoire français. C’est à partir de ce constat – et quelle alternative artisanale opposer à la stratégie industrielle du géant Google? – qu’à partir de 2016, le projet de l’Atlas des Régions Naturelles (ARN) commence à prendre forme.
(c) Photographies et texte d’Éric Tabuchi