Sise à la pointe extrême de l’Occident, sur les rives d’une des plus belles baies du monde, Douarnenez est une ville d’accueil et d’échappées. Une ville modeste, ouvrière, et puissamment humaine.
La mer est sa raison d’être, qui produisit des sardines à foison, avant d’attirer peintres et poètes, puis les touristes et réfugiés climatiques des temps apocalyptiques.
Douarnenez est une alcôve ouverte à l’autre, consciente de la douce puissance de ses bras.
Marc Loyon l’a parcourue en tous sens, entre bords de mer et franges de campagne, avant de la rêver dans le silence de sa chambre photographique grand format.
Son approche est de précaution et de pudeur, sa palette de couleurs très délicates.
S’attardant sur les lignes d’une ville où les petits immeubles à loyer modéré ouvrent sur la liberté, l’entreprise artistique de Marc Loyon n’est surtout pas celle de l’épuisement d’un lieu.
Il s’agit bien au contraire d’une recherche sur l’espace, les intervalles entre les bâtiments et les interstices habitables.
De l’air, sinon j’étouffe ! écrivait Marcel Proust, dont l’exclamation pourrait être aussi celle d’une poétique photographique très attentive aux fenêtres donnant sur le lointain et les possibilités de départs.
Une ville persiste dans son être, que traversent des diversités de visages, des corps, des familles, des travailleurs, isolés et mélancoliques, ensemble et déterminés, tels des veilleurs discrets, ou des gardiens de phare à terre.
Rencontrer l’autre sans en réduire l’altérité pourrait être la formule éthique d’un photographe n’imposant pas sa présence, afin d’offrir à chacun la chance d’un plein déploiement de son mystère.
En ses images, le temps est suspendu, et l’instant tendu par une attente sans drame.
Il est aussi parfois d’une drôlerie involontaire, parce que les formes du vivant sont incongrues et que les conversations secrètes entre les choses – un menhir et la piscine d’un centre de thalassothérapie, un mur et un scooter posé là comme un alien, l’abat-jour d’une lampe qui cloche devant une carte d’Europe froissée – relève d’un absurde jubilatoire.
Dans le regard de Marc Loyon, Douarnenez apparaît comme un espace métaphysique, un théâtre nu avant que le rideau ne se lève, une scène pirandellienne en attente de ses acteurs.
Bien sûr, il y a les chantiers de construction navale, les signes de la vie quotidienne, mais il y a plus encore, qui est la façon dont les formes s’aimantent ou se repoussent, s’épousent ou se tiennent à distance.
Douarnenez est un polar urbain, un film de Jean-Pierre Melville – premier plan de la couverture -, un bout de Gaspésie tombé en Bretagne dans la souvenir d’André Breton, une route d’Amérique dans le lever du soleil, au moment où le héros apparaît pour la première fois.
Le héros ici ne porte ni santiags, ni perfecto, mais une planche de skate, ou une combinaison de travail, dans une ville blanche et bleue éclairée doucement par les projecteurs de ses réverbères.
Douarnenez, ville disponible, simple et fantasmatique, dont on aime ne pas savoir où elle commence, ni où elle finit.
Parallèlement à ses travaux de commande (agences de communication, éditeurs, presse, cabinets d’architectes…), Marc Loyon oriente sa réflexion photographique sur l’environnement par des séries d’architectures et de paysages urbains (séries « Itinéraires/extraits », « Islande/détails », « Nouvelle Zélande/faces », Barcelone/ Contours, Vienne/ Idéalement,…). Plusieurs résidences sur la thématique du paysage et de l’architecture se sont mises en place ces dernières années. Ces photographies sont souvent réalisées à la chambre grand format. Le travail de prévisualisation et de repérage est essentiel dans la construction de ses photographies. La nuance des teintes de ses images tend à adoucir la dureté de l’empreinte humaine, la représentation du paysage restant calculée. Expositions diverses en France, Espagne et Brésil.
© text by Fabien Ribery / pictures by Marc Loyon
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