Le domaine universitaire de Grenoble est un des premiers campus « à l’américaine » de France. C’est une « ville-parc » dont l’infrastructure paysagère et la superstructure architecturale cohabitent, évoluent côte à côte et s’entremêlent depuis 60 ans pour devenir le milieu de vie des générations d’étudiants qui s’y succèdent. L’élan planificateur et la modernité architecturale des années 1960 sont à l’origine de la fabrication de ce campus. C’est en tous cas sous cet angle que sont envisagées les visites, les expositions, les publications chargées de faire la médiation de son paysage urbain auprès du public d’étudiants, du public « amateur d’architecture » ou, plus largement, du grand public.
A travers ce projet photographique, Fred Guillaud porte sur le campus un regard qui valorise son hors-champs architectural et ses coulisses paysagères… A la périphérie des quelques œuvres brutalistes majeures, se déploient une kyrielle de bâtiments dont les dispositifs propres aux usages humains et dont les modes de cohabitation avec les non-humains nous invitent à faire du portrait du campus, le portrait d’un ajustement mutuel et progressif.
A ce titre, les photos de Fred Guillaud nous renvoient à une forme d’humilité vis à vis de nos missions et de nos intentions d’architectes. Ce dont ses photos témoignent c’est de la manière dont les architectes font « au mieux » pour construire dans l’ancien lit d’une rivière des espaces d’enseignement, de formation, de vie collective, de gestion de flux, de prise de repas ou d’hébergement destinés à quelques dizaines de milliers d’usagers. Dans cette perspective, les images construisent une douce typologie picturale qui offre des clés de lecture du cadre bâti : le singulier et l’unique pour certaines fonctions, le sériel et le répétitif pour d’autres. La préfabrication se donne à lire et le sur-mesure s’expose…
En qualité de « médiatrices » de l’architecture, ce que les photos de Fred Guillaud pointent c’est l’inventivité plastique et la diversité des dispositifs que les architectes ont conçus pour satisfaire des nécessités aussi diverses que le besoin de distribuer de très nombreuses salles, d’évacuer des quantités de personnes, de capter généreusement mais aussi de tamiser la lumière, de chauffer des volumes conséquents, de prémunir les biens du risque latent d’inondation. Elles témoignent globalement de notre fascination pour la modernité et pour son projet mais elles pointent, en les mettant dans le cadre, ses petites failles et certains de ses manquements. Elles documentent les réajustements que le patrimoine « moderne » sait subir. Elles illustrent la manière dont il peut être réformé, mis au point, réparé.
Florian Golay, archictect.
“Fred Guillaud (b.1973, France) is a photographer, architect and teacher living in Barcelona since 2000. His urban landscapes shot exclusively on film are admired for their atmospheric banality and visual appeal. Architecture plays a major role in Fred’s work when he judiciously projects his camera to capture transitional negative spaces often placing a small human figure categorically in his frames to give it a social context. The resulting images are bright with a limited palette, patterns, and serenity.”
PhotoArtMag – 2016-09-19
(c) Pictures by Fred Guillaud / text by Florian Golay